Comment donner une lisibilité nutritionnelle à votre offre de pain ?

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L’offre de la boulangerie française est encore constituée majoritairement de pain blanc, même si la proportion des autres types de pains, bis ou complets, plus ou moins riches en céréales ou en graines diverses, ne cesse d’augmenter. Seulement, l’étiquetage nutritionnel n’étant pas requis en matière de pain, le consommateur perçoit difficilement l’étendue de la qualité nutritionnelle qui lui est proposée parmi les divers pains qui complètent l’offre de pains blancs, elle-même de qualité variable. Comme je vous l’ai maintes fois témoigné, le flou nutritionnel dans lequel est laissé le consommateur est défavorable à la consommation et à la défense du pain en général. C’est pourquoi il devient urgent que la boulangerie délivre les informations essentielles concernant l’évaluation de la qualité du pain et surtout qu’elle propose une gamme plus étendue de pains de haute valeur nutritionnelle.

Il y aurait une nécessité d’édicter un nouveau décret de pain de tradition française

Même s’il a permis d’arrêter les dérives d’une panification dégradée par trop d’additifs et de pétrissage, le décret pain publié en 1993,  basé sur l’utilisation de farines très blanches, n’incite guère à améliorer la valeur nutritionnelle du pain. Puisque le son contient les trois quarts des fibres, des minéraux et des vitamines du grain de blé,  le pain produit avec une farine blanche n’aura jamais une valeur nutritionnelle optimale. Après la parenthèse historique de l’ère du pain blanc, nous aurions besoin d’un nouveau décret pain  pour rétablir la valeur nutritionnelle  du pain : en normalisant l’utilisation de farines T80, en généralisant l’utilisation de farines natives sans addition de gluten et d’enzymes, en recommandant un pétrissage extrêmement modéré qui  améliore l’index glycémique et diminue la vitesse de rassissement du pain, en limitant la teneur de sel à 15g par kilo de farine, et  en recommandant des faibles ensemencements et des longues durée de fermentation. Ce n’est pas utopique, un cahier des charges de ce type changerait la face du pain, mais y a-t-il encore un pilote dans l’avion, je ne désespère pas que la défense de l’intérêt général autour du pain finisse par l’emporter. En plus de cette remise à niveau concernant un pain de base, il faudrait concevoir une nouvelle génération  de pains bis et complets fermentés au levain en plusieurs étapes.

Développer une montée en gamme de pains bis et complets, grâce à de nouveaux procédés de panification

La montée en gamme est le processus qui consiste à encourager des clients commandant un produit ou un service à passer à une version plus haut de gamme de cet article ou à inclure des compléments dans leur commande. Cette définition classique de la montée en gamme s’applique remarquablement bien au secteur de la boulangerie, mais cette dernière ne l’a guère reprise à son compte. Donc tout est à faire et les possibilités de développement sont énormes si une gamme de pains de meilleure valeur nutritionnelle est bien présentée.

Jusqu’à présent la plupart des pains allant du type 80 à 150 étaient produits avec des farines bises ou plus complètes  reconstituées par le meunier après une mouture sur cylindres. Mais il existe aussi une production non négligeable de farines bises produites à la meule de pierre. En fait, si on va au-delà du type 80, la panification directe d’une farine reconstituée n’est pas optimale, en particulier parce que le son n’y est pas suffisamment hydraté. C’est pourquoi je préconise dans ce cas une panification en deux étapes, avec une  fermentation préalable de 24 H d’un son hydraté à 300% avec 5% de levain. Je vous propose donc de construire votre gamme de pain de haute valeur nutritionnelle en  ajoutant à la  farine de base de type 65 du son fermenté à raison de 5, 10, 15 ou 20%, exprimé en matière sèche. Cela permet d’obtenir approximativement du pain type 80, 100, 120 et 140. Peu importe le type exact, l’augmentation de densité nutritionnelle par rapport à la T65 est considérable, de plus de 2 fois par exemple en incorporant 20% de son. Par ailleurs il faut procéder à plusieurs ajustements dans la panification. L’hydratation doit augmenter proportionnellement aux apports de son. On passe ainsi d’une hydratation moyenne de 65% pour la farine blanche à une hydratation proche de 90 % avec 20% de son ajouté. La densité énergétique de 100 grammes de pain est diminuée à la fois par la présence du son et par la plus forte hydratation. L’autre ajustement remarquable et indispensable concerne l’apport de sel. La partie son ne nécessite aucun apport de sel. L’apport de sel doit être  calculé seulement sur la partie farine blanche. Avec 10% de son, on diminue donc de 10% l’ajout de sel, on passe donc de 15 à 13,5g par kg par exemple. Dans la tranche de pain, la diminution du sel est encore plus forte du fait de la plus forte hydratation.

Voici donc la stratégie que je vous propose pour votre montée en gamme de pains nutritionnels : présenter la valeur de chaque pain au son fermenté par rapport au pain de base. Par exemple pour le 10 % de son, afficher une augmentation de densité nutritionnelle de 50% (elle est strictement proportionnelle au type global de la farine) et une réduction de sel de 25%. Il est nécessaire que le consommateur perçoive cette montée en gamme nutritionnelle. Les  variations sont très fortes et très parlantes, et vous n’aurez pas besoin de refaire vos calculs tous les matins et ce n’est pas sujet à contestation. Voilà brièvement dans l’espace qui m’est imparti comment donner une meilleure lisibilité à votre offre de pain. Je reviendrai vers vous pour d’autres aspects de cette question dans une prochaine tribune.

Christian REMESY