ChatGPT, un outil d’aide à la gestion opérationnelle des boulangeries Bo&Mie

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Fin décembre 2023, Jean-François Bandet, le cofondateur des boulangeries Bo&Mie avec Magali Szekula, a pris la parole sur LinkedIn pour expliquer comment il utilise l’intelligence artificielle dans le but d’améliorer le fonctionnement de ses établissements. Explications avec le chef d’entreprise.

Jean-François Bandet et Magali Szekula , les cofondateurs de Bo&Mie. © Charly Deslandes

Pouvez-vous rappeler la genèse de Bo&Mie ?

Jean-François Bandet : J’ai lancé Bo&Mie en 2017 en souhaitant repenser l’expérience de la boulangerie en termes de lieu et d’accueil, avec une approche plus moderne et design, inspirée des coffee-shops. Notre concept est orienté sur le produit et tout est fait maison. À date, nous avons cinq établissements : quatre à Paris et un à Barcelone. Bientôt, nous allons ouvrir à Djeddah, en Arabie saoudite, puis dans une grande gare SNCF du sud de la France.

En décembre dernier, vous avez lancé une petite série de publications intitulée « Intelligence Artificielle X Boulangerie » sur LinkedIn. Vous écrivez que « l’IA peut profiter au moins autant à des petites sociétés traditionnelles qu’aux grands groupes ». Pouvez-vous nous expliquer comment ?

J.-F. B. : Lorsque ChatGPT est sorti, en décembre 2022, j’ai fait quelques tests pour comprendre comment cela fonctionnait. Très vite, j’ai découvert une vraie révolution technologique et des fonctions incroyables sur ce qu’il était possible de faire. J’ai voulu mettre cet outil au service de mon entreprise. Dans notre organisation, nous avons beaucoup de process. Pour les gérer, il y avait deux solutions : tout faire manuellement, ce qui est assez long et chronophage, ou mettre en place un logiciel dédié à notre activité, avec un cahier des charges détaillé et une maintenance quotidienne assez lourde. Un outil comme ChatGPT nous a aidés à trouver un juste milieu, adapté à notre fonctionnement et avec un accès gratuit.

Comment cela se passe ?

Bo&Mie va ouvrir un plus grand laboratoire en périphérie de Paris. © Eugénie Fiquet

J.-F. B. : Une boulangerie, ce sont des produits, un savoir-faire, des matières premières, mais aussi de nombreux passages de commandes, un suivi des stocks, des prévisions de production à réaliser, etc. Pour monitorer toutes les parties de notre activité, dans notre organisation décentralisée, de par la localisation de nos boulangeries, nous travaillons beaucoup sur Google Sheet. Mais l’outil montrait quelques faiblesses pour notre gestion opérationnelle et demandait de savoir intégrer de nombreuses formules. Une des fonctions de ChatGPT, qui n’est pas la plus connue, est de savoir transformer une directive simple en langage naturel, en rédaction de scripts complexes à intégrer directement sur Google Sheet. Et il n’y a pas besoin d’être développeur informatique ! Cette fonction nous a permis de paramétrer de nouveau nos fichiers Google Sheet pour améliorer notre suivi opérationnel.

Pourriez-vous nous donner un exemple ?

J.-F. B. : Produire au plus juste, et éviter d’être en rupture de stock ou d’avoir des invendus, constitue l’un des piliers de notre activité, pour ne pas perdre d’argent ou déplorer un manque à gagner. Aussi, nous avons besoin de calculer nos prévisions de production. À la base, chacun de nos magasins suivait son activité quotidienne sur Google Sheet, analysant la production du jour, le stock restant en soirée, et les heures de rupture pour chaque produit sur une période de deux semaines. Avec ChatGPT, nous avons réussi à développer et à automatiser un script Google Sheet pour réaliser quotidiennement ces calculs, d’après les données remontées dans nos cinq magasins et sur les 150 produits que nous commercialisons dans nos vitrines. Ce travail titanesque de calcul est fait automatiquement par la machine, avec beaucoup plus de pertinence. C’est un système qui s’autogère à 95 % et sur lequel nous sommes deux à travailler, alors que sans, il ne faudrait pas moins de quatre personnes pour gérer tout cela. Pour les périodes spéciales, comme Noël ou Pâques, nous gardons quand même un œil dessus pour réajuster nos chiffres d’une quinzaine à l’autre.

Quels ont été les résultats ?

J.-F. B. : Après un mois d’utilisation, nous avions réduit nos stocks d’invendus de fin de journée de 25 % en moyenne, limitant les pertes mais aussi les manutentions et la logistique inutiles pour nos équipes. Nous avons aussi diminué de 15 % les ruptures de stock en boutique. Au total, nous avons réalisé une économie de 450 000 euros, soit 3 % de notre chiffre d’affaires sur 2023. Ce qui nous permet aujourd’hui de dégager des marges pour notre personnel mais aussi d’investir dans de nouveaux projets de développement comme les 4 millions d’euros que nous dédions au financement de notre nouveau laboratoire de 2 000 m2 qui sera inauguré au printemps à Clichy (92). En 2024, nous visons un nouveau cap avec l’objectif de générer 22,5 M€ de chiffres d’affaires.

Avez-vous d’autres types d’applications concrètes sur lesquels l’intelligence artificielle vous aide ?

J.-F. B. : Nous faisons en sorte que nos fiches de production soient calculées au gramme et envoyées directement chaque soir aux différents pôles de notre centre de production : le tour, la pâtisserie, la boulangerie, le snacking. Cela permet de mieux gérer les flux avec nos magasins. Nous avons aussi utilisé ChatGPT pour la rédaction de notre règlement intérieur, un sujet ultra-technique : il nous a proposé les catégories indispensables que nous avons complétées. C’est aussi un outil d’aide aux réponses aux avis clients ou à la réalisation de fiches de poste. Mais attention, s’il permet de gagner du temps, il ne faut pas oublier que ChatGPT reste une machine. Elle est capable certes, d’ingurgiter et de résumer des milliers d’informations, mais qui sont toujours à vérifier.

Propos recueillis par Anaïs Digonnet